samedi 12 février 2011

Quick, de nouveau (2006)

Je ne sais pas pourquoi je repense à ma première rencontre avec Quick, ce surabruti galactique. Une association d’idées, je suppose. On met des gens en tôle pour association de malfaiteurs ; moi on me condamnera pour association d’idées, un jour ou l’autre. Est-ce que je n’avais pas écrit des trucs sur lui, dans ma galerie de portraits ? Deux clics pour vérifier ; deux textes pour sa gueule ; deux minutes pour les relire. Le premier est, assez magistralement je l’avoue, intitulé : “ Quick ”

QUICK

Quick, c’est vraiment le genre de keums qu’il vaut mieux ne pas connaître, à moins d’aimer les crétins. La première fois que je l’ai vu (remarqué, en tout cas), c’était en me baladant tranquillement, un mercredi après-midi sans doute ; avec Yo-yo et Délia. On était là, cool, à marcher, et d’un coup le grand viking à côté de moi se met à grimacer et marmonne en amorçant un zigzag avorté :
- Oh putain, Quick. La haine.
- Ah non, pas lui, Ajoute Délia avec le même genre de torsion faciale que son mec.
- Qui ça ?
(que je demande)
- Tu vas voir. L’abruti en bermuda, là.
Cheveu gras et à peu près long, l’individu est un trappu à short de hardcoreux et sweat Dimmu Borgir (la eurk-honte), le visage à peu près aussi net qu’une tranche de lard, cou bovin, charisme de pot de rillettes géant. A peine Yo-yo aperçu, il se rue sur lui comme si l’autre lui devait du pognon, un sourire niais sur la face, et ni bonjour ni merde, il attaque franco dans sa connerie :
- Oh puuutain puuuutain tu sais pas quoi le dernier Cradle il est retardé chuis trop vénèreeeee…
Yo-yo le regarde de haut, avec un sourire las qui veut dire qu’il n’en a rien à foutre mais qu’est-ce qu’il me raconte l’autre comme balivernes ? Pour bien le faire comprendre à Quick, il répond (c’est clair, mais peut-être pas assez) :
- Euh… Oui…. Certes, mais ? ? ? ?
Et au cas où ça ne suffirait pas, Délia ajoute avec un sourire qui déguise poliment son hostilité :
- Tu sais, on s’en fout, de Cradle.
Quick ne comprend rien à toute cette subtilité, visiblement ; quasi la bave au lèvres, il trépigne, meugle avec son accent de chiotte des trucs sans queue ni tête à propos de groupes sordides de black-metal, éructe, rit on ne sait pourquoi, puis disparaît, sans doute appelé par Satan, ou, plus probablement, par une bière. Pendant tout ce temps, il n’a pas compris que les trois êtres humains en face de lui qui restaient poliment à l’écouter se foutaient de sa gueule (plutôt que d’en pleurer). J’émets une constatation, histoire de dire quelque chose, n’importe quoi :
- Il est con, ce type.
- Complètement crétin, Répond Yo-Yo.
- C’est vraiment une merde, Ajoute Délia.
- Et à part le black … ?
- Ben il kiffe aussi le death. Et le grind. Et sans doute Iron Maiden.
- La vache.
- Attends, c’est pas le plus drôle… la prochaine fois que tu passes au Chat, demande à Jean-Luc, qu’il te montre la lettre qu’il a reçu, Quick.
- Comment ça ?
Malgré toutes mes demandes d’explications, je n’obtiendrai aucune info supplémentaire de Yo-yo et Délia, si ce n’est un rire gras (masculin) et un regard mutin (féminin) qui augurent du bon.

La voix de la SNCF

Hall de gare. Matabiau.
Ca résonne vachement, ici, et la voix de robot qui annonce les catastrophes dit que le corail numéro quelquechose en provenance de chépahou arrivée prévu à nafoutre aura un certain nombre de minutes de retard, et peut-être plus si vous êtes gentils. 
Ta, da, dala, jingle, putain fait chier je vais l’avoir dans la tête pendant tout le voyage. Ta dent la da-la... Tu du du-lu.... 
Ce serait cool, comme taf, voix hèssencéheffe, peut-être. Je suis sûre qu’elle est super bien installée pour enregistrer ces conneries, genre dans un fauteuil super cool, et on vient lui servir à boire des cafés dans des gobelets pendant qu’elle débite des horaires. En y pensant, c’est pas possible qu’elle ait enregistré tous les messages possibles. Elle a du faire en pièces détachées. Toutes les heures, tous les numéros de train, toutes les villes ; et ensuite quand il y a un truc à dire dans la gare, il n’y a plus qu’à remettre les bons morceaux dans le bon ordre. Sûrement un ordinateur, le mec de la hèssencéheffe avec sa casquette et ses moustaches il tape le message à annoncer et le programme va chercher les pièces du zeulp les ordonne les raccroche avec jingle et tout. Ou alors la voix hèssencéheffe c’est toujours la même, la vraie, et elle fait ça en live vintkat/vintkat, enfermée dans une pièce murée, on lui passe à manger et à boire par un clapet et pour être sûre qu’elle essaie pas de se barrer on l’enchaîne par la cheville. Non, ça c’est pas possible. C’est la même voix dans toutes les gares. Pas que je prenne le train très souvent, mais bon, ça se remarque quand même. Elle peut pas faire toutes les gares de toute la France en même temps, soyons réaliste un instant. Faudrait qu’elle soit clonée et tout. Ouais, c’est ça, des clones : quand y en a une qui clamse on la remplace par un clone tout frais sorti de sa cuve. Ca doit tourner pas mal au niveau des clones, parce que voix hèssencéheffe, on doit pas tenir longtemps avant de tèp le cable. A force d’annoncer des trains en retard, et puis devoir se taper le jingle à chaque fois... Ouais, quand elle commence à fatiguer, la voix hèssencéheffe, une balle dans la nuque avant qu’elle commence à déconner sévère et hop, une nouvelle à la place. Le grand cycle de la nature.


mardi 8 février 2011

Prière, 2005

Notre mère la pute priez pour nous / vénérable conseillère principale d’éducation priez pour nous facteur à vélo priez pour nous / mamie à cabas priez pour nous / sorcière Karaba priez pour nous / sorcière carambar priez pour nous / Abracadabra priez pour nous / arbre à cadavres, ah, priez pour nous / ceux qui viennent d’en haut priez pour nous / ceux qui viennent d’en bas priez pour nous / mon voisin le tueur priez pour nous / noble distributeur PEZ à tête de mickey priez pour nous / lasagnes épinard chèvre chaud priez pour nous / sombre balayeur du métro priez pour nous / fonctionnaire à lunettes priez pour nous / wesh anonyme à casquette priez pour nous / Philip K Dick priez pour nous / Ronald Mc Donald priez pour nous / Chat de Cheshire priez pour nous / Sourire du chat priez pour nous / Absence du sourire du chat priez pour nous / toutes les multiples Alice priez pour nous / les vraies blonde priez pour nous / les fausse brunes priez pour nous / les vraies Alice, les fausses Alice priez pour nous / les Alice lisses et les Alice pas lisses priez pour nous / monsieur de la Palisse priez pour nous / Ces messieurs de la police priez pour nous / Palissades et polissons priez pour nous / vous les pions anonymes en mission priez pour nous / rois, reines, fous, chevaliers, chevaux, veaux, vaches, cochons, couvées priez pour nous / bébés en couveuses priez pour nous / Vancouver priez pour nous / reine de cœur priez pour nous / peines de cœur priez pour nous / les peigne-culs priez pour nous / et ceux qui peignent la girafe priez pour nous / et ceux qui peignent des natures mortes avec des pommes priez pour nous / mornes bouquets de fleurs fanées priez pour nous / projets avortés priez pour nous / poissons panés priez pour nous / panier-piano-piano-panier priez pour nous / les évidences niées priez pour nous / les niaises et les niais priez pour nous / l’aîné et le cadet priez pour nous / le cil collé sur la joue priez pour nous / toutes les promesses imbéciles priez pour nous / ceux qui tendent l’autre joue priez pour nous / ceux qui attendent l’ajout priez pour nous / ceux qui jouent de temps en temps priez pour nous / gris-vert billet de cinq priez pour nous / banco gagnant priez pour nous / pile usagée bonne à jeter priez pour nous / le rejeton, le rejeté priez pour nous / l’agneau bêlant l’agneau mort-né priez pour nous / Albus Dumbledore priez pour nous / Dumb et Dumber priez pour nous / Crocodile Dundee priez pour nous / Poseurs et dandys priez pour nous / invraisemblables concours de circonstances priez pour nous / savons parfumés à la camomille priez pour nous / souris verte trempée dans l’huile priez pour nous / olives vertes, olives noires, olives hybrides priez pour nous / passages à vide priez pour nous / enfants pas sages priez pour nous / enfants avides priez pour nous / vides de sens priez pour nous / panne d’essence priez pour nous / grande et sainte page blanche page vide priez pour nous :

Maintenant et à l’heure de notre mort.


lundi 7 février 2011

5 février 2006, jour anniversaire - extrait

Je souffle lentement la fumée, en penchant un peu la tête comme un chat ; on a tort de dire que les tigres sont de gros chats. C’est le contraire : les chats sont de petits tigres. Regardez moi, regardez moi, je fais le chat ; et j’ouvre mon sourire en grand. Je suis heureuse que tu aies raté la dernière possibilité de te racheter, c’est mal mais j’aime ça. Regarde comme j’ai l’air de trouver ça très drôle.
Et, d’une certaine façon, c’est en train de le devenir ; la façon dont tu te crois obligé de sourire toi aussi, un sourire d’une écoeurante bêtise rassurée et mesquine, le sourire du pauvre connard qui avait quand même peur que je pète les plombs comme une gosse et se réjouit de voir que je prends ça plutôt bien... Tu ne sauras jamais à quel point tu es passé près de la grande colère, et la colère des enfants est celle qui fait le plus mal car elle n’a pas de limites et ne se soucie pas du lendemain. Tu ne vois pas à l’intérieur de moi le feu se transformer en une multitude d’objets pointus, épingles punaises aiguilles poinçons clous seringues - une armée de choses qui font mal mais se réorganisent toute seule, pour ne plus me piquer du dedans ; les larmes et le sang prêts à sortir refluent vers l’intérieur et viennent fondre et lier toutes ces bribes en une seule construction de la colère une longue lame qui part du bas de mon ventre et va jusqu'à ma bouche le long de ma colonne vertébrale un couteau un long couteau tu m’as poignardé dans le dos mais maintenant je suis le couteau monsieur le loup tu es l’agneau

Portrait de Quick en abruti fini (Chat D'Oc, 2005)

Rencontrer Quick un jour de fatigue, c’est comme aller chez un dentiste qui écoute Skyrock, pendant tes règles. Une épreuve douloureuse qui amène à la certitude de l’existence de dieu, mais plutôt le genre vengeur cruel sadique que le cool à barbe blanche. Quick ne peut qu’avoir été crée par une autorité supérieure spécialisée dans la torture mentale. Heureusement, elle a conçu un modèle, comment dire, à sens unique : qui gerbe son incompétence sur le monde mais ne réagit pas quand le monde réplique. C’est là que ça devient plutôt cool, finalement. C’est le genre de types qui me ferait éviter le Chat, si je n’étais pas capable d’autant de méchanceté gratuite. C’est une proie rêvée : il ne comprend rien au foutage de gueule. Les sarcasmes s’accrochent à lui comme les boules au sapin de Noël, sans qu’il en ait vraiment conscience mais c’est joli quand même. Comme si on lui mettait une pancarte « je suce des boucs » et qu’il ne s’en aperçoive que trois jours plus tard. S’il s’en aperçoit un jour. Et les sources de moqueries, avec lui, sont quasi infinies. Déjà, ses conversations tournent autour de trois sujets, en tout et pour tout : la baise, le métal et l’alcool. Avec toutes les interactions possibles. « Si tu niques sur du métal ça fait des enfants plus intelligents », « quand tu bois de la bière tu baises mieux », « quand on fait du métal, boire de la bière c’est plus important que les cheveux longs, parce que, tu vois, il y a des groupes qui ont coupé leurs cheveux mais ils ont continué à boire de la bière, pour compenser. ». Sa chiasse verbale n’a pas de limites. Particulièrement s’il a une ou plusieurs filles à sa portée. Quick aimer filles.
Niveau gadji, justement, il a des tactiques d’approche d’une subtilité remarquable - en gros, parler de métal et de cul mais en rajoutant des clins d’oeil complice. Je l’ai toujours vu susciter dans la population féminine du Chat au mieux une indifférence polie (avec de gros morceaux de résignation dedans), au pire un « casse-toi » sans ambiguïté. Ce qui n’a pas d’effets sur lui, je vous dis, il est imperméable. Une sorte de kawé humain. Enfin, presque humain.
Ouais, Quick, c’est vraiment le genre de keum qu’il vaut mieux ne pas connaître, à moins d’aimer les crétins...
Avec wam, il est aussi lourd qu’avec tout ce qui rentre dans le bar, mâle ou femelle ; dans les bons jours, je peux me payer le festival du con, dans les mauvais : tenter de survivre en débranchant mes oreilles et mes yeux. Il est déjà arrivé que je sorte un bouquin ou mes cours pour me mettre à lire ou bosser, et qu’il continue à disserter sur le black metal comme si je l’écoutais, comme si j’en écoutais. Je me rappelle qu’un jour j’ai fini par le couper et lui dire que « de toute façon je kiffe que le rap et le har’an’bi ». Ca n’a pas été jusqu'à son cerveau : il a continué à m’expliquer l’influence de Satan sur les groupes celtes, ou vikings, je sais plus.
Bref, ce keum est une calamité miteuse, d’une calamitude si légendaire qu’il en devient calamythique.
Et le pire, c’est quand même que c’est un vieillard, genre au moins vingt-cinq vingt-huit ans. Le con.

mardi 1 février 2011

Médiocrité médiévale

La robe de princesse, c’est quand même, soit dit entre nous, un truc de m’as-tu-vu-comme-je-me-la-raconte-de-me-la-pêter. Parce qu’on le sait bien, que les gothasses qui en portent c’est même pas vraiment des vraies princesses en vrai. Des fois ça ferait même un peu pute déguisée. Ces frous-frous, ces lacets derrière, ces jupons : c’est louche. Quels effroyables secrets peuvent se cacher dessous ? a part les inévitables niouroques, ça c’est inclus dans le pack de base. Difficile à imaginer... Un tatouage Bob L’éponge sur la cuisse ? Un string Hello Kitty ? Qui sait... C’est vrai, ça, ça met quoi comme dessous une batprincesse, pour être synchro avec la robe ? Des trucs plein de ficelle et de dentelle ? Déjà que ça doit être chiant d’enlever la première couche... Mais bon de toute façon je vais pas pleurer sur les mecs qui doivent se taper tout un épluchage complexe avant d’investir le palais secret de ce genre de meufs, non plus. Ils l’ont voulu, ils l’ont eu. Ils doivent se prendre pour des barbares à la conquête du château fort, le genre viking, casque à cornes, qui tabasse des boucs à coup de battes, tout ça. Des fans de Manowar, certainement. Non, en fait. En y réfléchissant, le fan de Manowar, il doit préférer les putaspés à short en latex et décolleté pornosexe. Les mecs qui se tapent les princesses ça doit plutôt être le genre nobles chevaliers, preux damoiseaux, Lancelot, Perceval, Leroy-Merlin, tout ça. Des teubés de leur race qui récitent la chanson de Roland et boivent de l’hypocras.


lundi 31 janvier 2011

Philosophie de comptoir virtuel : Les horreurs de la seconde guerre mondiale

Souvent on entend dire, ici ou là : « mais comment a-t-on pu (de 1939 à 1945) laisser faire de telles choses sans réagir ? Comment des êtres humains ont-ils pu se laisser aller à commettre des crimes aussi épouvantables ? ». Ces questions sont légitimes, et révélatrices du gouffre moral qui sépare notre humanité actuelle de celle de nos grand-parents (qui sont néanmoins nos amis). Et pourtant, en me penchant sur le sujet, j’ai acquis la certitude, à ma grande stupeur que je connaissais les réponses ! moi aussi, je suis capable de laisser faire de telles choses sans réagir, de me laisser aller à commettre des crimes aussi épouvantables ! Et si vous croyez que je vais vous révéler ma méthode, vous vous trompez ! Bande de lopettes ! Je suis très bien toute seule de l’autre côté du gouffre moral ! Pédés !