lundi 31 janvier 2011

Philosophie de comptoir virtuel : Les horreurs de la seconde guerre mondiale

Souvent on entend dire, ici ou là : « mais comment a-t-on pu (de 1939 à 1945) laisser faire de telles choses sans réagir ? Comment des êtres humains ont-ils pu se laisser aller à commettre des crimes aussi épouvantables ? ». Ces questions sont légitimes, et révélatrices du gouffre moral qui sépare notre humanité actuelle de celle de nos grand-parents (qui sont néanmoins nos amis). Et pourtant, en me penchant sur le sujet, j’ai acquis la certitude, à ma grande stupeur que je connaissais les réponses ! moi aussi, je suis capable de laisser faire de telles choses sans réagir, de me laisser aller à commettre des crimes aussi épouvantables ! Et si vous croyez que je vais vous révéler ma méthode, vous vous trompez ! Bande de lopettes ! Je suis très bien toute seule de l’autre côté du gouffre moral ! Pédés ! 



 

mardi 25 janvier 2011

Violaine dans le métro

Une des particularités du métro toulousain, une de ses particularités les plus merdiques, je veux dire, c'est les "oeuvres d'art". J'ai horreur de sardiner dans ces rames bondées de connards poquant le dessous de bras et le parfum de Cologne (Köln, en allemand), mais bon, vivre à Toulouse sans jamais prendre le trom, c'est carrément pas possible. Même avec sa ligne unique qui va du Mirail (banlieu sud-ouest à racailles sensibles) à Balma (banlieu nord-est qu'on sait même pas que ça existe). Et donc pas possible d'échapper aux "oeuvres d'art" de chaque station - notez bien les guillemets. Et particulièrement pas à la plus effrayante, la plus monumentale, la plus absurdement laide de toutes. Vous pourrez la trouver à Esquirol, station très fréquentée, par moi en tout cas. "Ca" vous fait face, juste après les portillons de sortie (si vous arrivez d'en bas) où en descendant les escalators, impossible d'y échapper, je vous dis. Un gigantesque mur blanc, légèrement courbe, à peu près quinze mètres (quinze pas, en tout cas, les gens m’ont regardé zarbi le jour où j’ai mesuré) sur je sais pas en hauteur, je peux pas marcher sur les murs comme les mouches pour compter. A base de rectangles de céramique (blanche elle aussi évidemment, si elle était rouge ça ferait un mur rouge) soigneusement, géométriquement agencés, d'une fadeur absolue ; sur vingt-quatre (j'ai compté) de ces carreaux d'environ dix-centimètres sur cinq (il doit y en avoir plusieurs centaines, et ça j'ai pas compté) est peint une sorte de losange doré, enfin un mélange de losange et d'ovale, le genre de trucs qu'on peint en maternelle quand on ne sait pas trop tenir le pinceau. Ces carreaux déviants ne sont pas placés au hasard, ils rayonnent autour de deux d'entre eux, situés à hauteur d'oeil, l'un à peu près au centre de la partie gauche, l'autre à peu près au centre de la partie droite. Nous voilà arrivé aux clés de l'"oeuvre" : sur le premier, au centre du losange sont tracées ces deux lettres : LE ; et sur l'autre, subtile différence, ME. "LE ME". Le me. Pas "la meuh" (paisible animal qui fait du lait), "le me" (paisible truc qui fait du machin). Mais attention, en jolies lettres classe, un peu comme les panneaux de signalisation. Ca vous donne presque envie de le dire à haute voix, de le savourer, de vous laisser emporter : "le me". "leeeeeeeeee meeeeeeeeee". "le - me". "le : me". "le... me".

Une fois passée la phase hypnotique, et dès que l'oeil espanté a fini de saisir tous les détails de cette incroyable création de l'esprit humain (à savoir, quelques points rouges autour du "le" et du "me", toujours dans un style assez moyen, moyenne section même), il ne lui reste plus qu'à aller lire, subjugué, la plaque métallique qui va avec. S'il veut des précisions complémentaires sur cette grosse merde. C'est ainsi qu'on peut apprendre qu'elle s'intitule "voyage me-le", date de 1993 et qu'un certain François Bouillon en est responsable.

Quand je serai grande, moi aussi je veux être artiste, c'est trop la classe. Comme François Bouillon. Une telle sérénité dans le foutage de gueule, respect, total respect, tototal respect.


lundi 24 janvier 2011

Hé, ho, let's go

En allant au bahut (notion qui me donne toujours un léger vertige d’irréalité, c’est un cauchemar, un jour je me réveillerai…), je m’enquille à fond dans la clé un vieux live des Ramones piqué à papa. C’est juste la musique qu’il me faut, du bon punque qui fait poutapoutawanetoufriforpoumtchak. Surdébile, surcon, surpuissant, lunettes noires et jean troués. Marche d’un pas vif, Violaine, respire bien à fond l’air froid comme des lames de rasoir, Violaine is a punk rocker. Sheena Violaine. Putain ce que ça dépote. J’écouterais pas ça tout le temps - je veux dire, moins que les Clash ou les Pistols - mais ça dépote sérieux du gabba gabba hey. Dommage qu’ils avaient des têtes de cons, un peu quand même. Mais on fera comsiquenon.

Seul problème : entre chaque morceau qui devrait s’enchaîner impeccablement au suivant à base de ouanetoufwifor (sans le moindre blanc, donc) ma clé colle un dixième de secondes de silence. Ca fait toujours ça, les haimepétrois. Un cloc, un arrêt. Ca ne s’entend pas la plupart du temps, quand les morceaux finissent par un silence, mais alors quand ils s’enchaînent, c’est super flagrant. Et là ça nique tout. C’est über-foireux. Genre qu’on trébuche dans sa tête, à chaque fois. Et là ça le fait grave, toutes les deux minutes trente new-yorkaises.

Putain, ça me flingue ma bonne humeur. Si j’avais un chien j’y foutrais un coup de pied.

Berthelot apparaît comme je débouche de la rue Bite-Au-Vent. A lui tout seul, ce lycée est un bug du grand ordinateur. Ouais, c’est ça, un gros bug. Et les putains de petits silences parasites entre les ramonages dans mes écouteurs, c’est les même en plus petits, des putains de petits cafards qui se vengent. Joey, Dee Dee et Marky qui en ont eu marre de tortionnariser Oggy et s’en prennent à moi avec des petits rires débiles. Bug c’est cafard, non, après tout ? Ou n’importe quelle bestiole grouillante mais pour cafard c’est parfait. Et le grand ordinateur de la laïfe qui micro-plante, qui hoquette, micro-blancs, par saccades, par ac-ac-à-coups. Comme s’il avait besoin de nous rappeler que. Ouais c’est ça, même dans les meilleurs jours, la vie saute entre les bons morceaux comme un skeud rayé. Il y a des cafards dans les les failles de ce système d’exploitation foireux, des rats dans le mur, un corbeau à la porte.

Et pendant ce temps là, les Ramones essaient de faire comme si tout allait bien. C’est peut-être ça, le rock’n’roll.

mardi 18 janvier 2011

Galerie de portraits goths

Regardez-moi le, ce bioutifoule boy : mince comme un brin d’herbe noire, le front balayé d’une mèche savante qui se subdivise en sous-mèches tout aussi savantes au dessus de son visage lisse de fille, avec pour seule aspérité un anneau au coin droit de la bouche. Il a, posé au sommet de sa coiffure, en accessoire, une paire de grosses lunettes de soleil à la monture noire zébrée rouge ; réponse à sa cravate, rayée des même couleurs, qu’il porte lâche autour de son cou gracile, c’est étrange une cravate sans chemise, c’est étrange le mot gracile, mais là il convient parfaitement - gracile, comme ses cils qui battent quand il parle, je rêve où il a du noir sur les yeux ? Non, je ne rêve pas. Tisheurt moulant, jean de fille et converses. Noires, les converses, avec de fines rayures rouges, évidemment, avec la même évidence que les lacets sont rouge. On peut dire qu’il a trouvé son style, lui. Entouré de trois filles, il parle comme une fille ; quand il sourit, montre toutes ses dents, blanches, larges, régulières, comme s’il fallait prouver qu’elles sont toutes là, jusqu’aux prémolaires, et je suis presque étonnée qu’elles ne soient pas noire et rouges aussi. Même ses canines ont l’air lisse. Il rit, de temps en temps, et ça lui fait jeter la tête en avant comme un poulet fantasmagorique et déployer sa denture plus encore. Steevy, voilà, il me fait penser à Steevy à la télé, un Steevy goth. Après les ostrogoths, les wisigoths, les steevigoths. Et quand il rit les filles rient fort autour de lui et vice versa. C’est un garçon, ça ?

lundi 10 janvier 2011

6 février 2006 - happy birthday

L’univers détestable me cerne de toutes ses forces. Non, de toutes ses farces : de sales plaisanteries qu’on nous inflige, pour le plaisir de qui ? Une variante cosmique de la caméra cachée. King-sizedeluxe-top-moumoute, la caméra. Les bouffons du roi, voilà ce qu’on est tous, au final. Et moi je suis la reine des clowns, un triste bonnet d’âne en guise de couronne. Funéraire, la couronne, évidemment. « Ci gisent les illusions de Violaine : elles nous ont bien fait rire. »
Et tout ça le jour de mon anniversaire…

Le plafond blanc comme un ventre de baleine ; qui nage si lentement au dessus qu’elle en paraît immobile.

La matinée s’étire jusqu’à l’insupportable, long ruban de minutes muettes et de dégoût. Chaque visage est un corbeau, chaque mot un coup de bec, chaque rire une gifle. Ils ne peuvent pas savoir ; savoir quoi, au juste ? Que j’ai mal comme je ne savais pas que je pouvais avoir mal ? J’imaginais ça chez les autres, toute cette douleur, et moi à l’abri. Kelly Ronnie. Je ne sais pas ce qui est le pire : avoir été prise pour une conne ; ou me rendre compte que je suis aussi misérablement vulnérable. Une victime comme les autres, mais qui se croyait plus maline et a foncé droit dans le mur. Bien fait pour ma gueule, ça m’apprendra à me prendre pour une grande. Petite conne naïve que je suis, qui apprend à ses dépens la règle du jeu… Si je pouvais, je me démonterais la gueule toute seule, pour l’exemple. J’ai joué, j’ai perdu ; je suis verte, re-verte, sur-verte.

C’est la grande loi de la nature, les plus forts bouffent les plus faibles, excès tes rats.

jeudi 6 janvier 2011

Sensation, fragment non daté - 2006

Quelquefois, cette espèce de creux dans la poitrine ; juste entre les deux seins, pas au niveau du coeur, mais ça donne quand même l'impression que le muscle rouge bât plus vite ou plus gros, ou plus bizarrement en tout cas ; comme si du coton de jambes remontait dans la poitrine ; comme si on avait retiré une pièce dans un puzzle et que les autres se tordaient pour essayer d'occuper l'espace libre. Pour résumer : comme quand on sait ou croit savoir que quelque chose d'important va se produire. Une sorte d'espoir angoissé, le trac, les papillons qui mordent dans le bide, ce genre de choses. Style que tu as une évaluation méga-importante, ou un rencart avec un non-Kevin. Sauf que des fois, ça prend complètement au dépourvu, sans raison apparente ; au beau milieu de la rue, en allant au lycée, en traçant en ville, à la sortie de la boulangerie. Comme si quelque chose de crucial allait advenir, là, sûr de sûr ; et puis : rien. Juste rien. Total fausse alerte. A moins que le corps ne se soit pas gourré et qu'on soit juste passé à côté de la chose sans voir ce qu'il y avait de si important ; mais ça, pas moyen de savoir. C'était peut-être un visage à regarder, un machin dans une vitrine, la lumière à travers les feuilles ; une pensée sur le point d'éclore, une affiche sur une palissade, un reflet sur une bille abandonnée dans un caniveau. Une association d'idées qui ne se mettront finalement jamais en coloc dans ma tête, la configuration des galaxies de poussières qui dansent dans l'air à contrejour, l'angle que faisait la queue d'un clébard avec un réverbère pendant qu'il pissait dessus... Ou rien de tout ça, peut-être qu'il n'y avait vraiment rien, pas de déclic, pas de catalyseur magique, pas d'indice stupéfiant pour résoudre toute l'énigme d'un coup...
Je déteste cette idée de passer totalement à côté d'un truc - d'un truc qui changerait tout - juste parce que je regardais ailleurs à ce moment là ; mais je ne peux pas multiplier à volonté le nombre de mes yeux. 


mercredi 5 janvier 2011

les profs, tous autant qu'ils sont... (fragment non daté, 2005)

Les profs, tous autant qu’ils sont : une bande d’enculés. Les petits, les grands, les femelles, les mâles, les barbus, les moustachus, les moustachues, les maniérés, les excitées, les mous, les insistants, leurs assistants, les vicieux, les de sport, les toujours malades, les remplaçants, les plaisantins, les gentils, les méchants, les morts, les vivants, les moit-moit’, les mains moites, ceux de la petite école, ceux de la grande école, ceux à grandes oreilles, ceux à petits yeux, ceux qui puent l’eau de cologne, ceux qui puent le collège, ceux que la terre a porté, porte, portera ; une bande d’enculés. Un ramassis de tordus et de tordues, de fieffés emmerdeurs empêcheurs de vivre sa vie. Des crétins qui ne comprennent rien à rien derrière leurs lunettes, toujours en grève même le dimanche ; un nid de parasites. Oui, de parasites, le prof c’est comme le pou, c’est un parasite qui se colle essentiellement aux gosses. Il faut des années et des années pour s’en débarrasser. Seule solution, en attendant : s’y habituer. Pas facile facile. Mais de toute façon, on n’a pas le choix : le prof n’est qu’un des représentants - certes l’un des plus agressifs, mais pas le seul - d’une espèce fondamentalement nuisible avec laquelle j’ai du me résoudre à cohabiter : l’adulte. Qui n’est lui même qu’une sous-espèce de cet ennemi viscéral, héréditaire : l’autre. Les gens qui ne sont pas moi. Autrui est un con. De même qu’il ne faut pas donner de confiture aux cochons, il ne faut rien donner à autrui. Les négociations sont et seront permanentes mais sans espoir. Heureusement que quand je ferme les yeux vous n’existez plus.

Enfin bon, ceci dit, les profs, c’est quand même les pires. Surtout ceux qui vous veulent du bien et croient nécessaire de limer vos petites ailes d’enfant à coup de stylo rouge, parce qu’ils savent mieux ce qui est bon pour vous et ce qu’il faut faire et ce qui est juste ; « juste » alors qu’ils devraient dire « correct », mais dans leur tête trop pleine ils croient vraiment rendre la justice - leur justice je la vomis.

Vous me trouvez dure ? Laissez moi vous parler de ma connasse de prof de français en sixième. Avant ça se passait plutôt bien, j’étais même tombée amoureuse de Monsieur Farge, mon instit de CE1, parce qu’il avait toujours de jolies chaussures. Mais en sixième, soudain... Madame F. (je ne gâcherai pas d’autres lettres à écrire son nom de pute en entier ). Gentille, persuadée (et elle avait pas tort) que j’étais une élève douée. Et du coup, toujours prête à traquer la fantaisie pour me remettre les pieds sur terre dans le droit chemin des rails. Madame F. n’aimait pas Harry Potter ni la science-fiction, elle voulait que je lise de la vraie littérature, parce que paraît-il moi j’en étais capable. Quelle horreur. Elle n’aimait pas non plus mes expressions audacieuses. D’accord, j’étais peut-être un petit peu trop audacieuse, mais elle aurait du m’encourager, pas essayer de me ficeler la langue et le stylo. Cette salope me reprochait dans chaque rédaction ce dont j’étais le plus fière. Systématiquement. Une fois il fallait décrire ou imaginer une histoire à partir d’une photo, un genre de potier crado du tiers-monde en train de fabriquer un vase à la con. J’avais écrit : « le noble et habile potier fabrique un vase à partir de la terre vile ». Et l’autre conne qui me souligne « noble » et « vile » en rouge et demande dans la marge : « pourquoi noble ? pourquoi vile ? ». Parce que, connasse, parce que j’avais envie. Une autre fois, il fallait inventer une histoire où on devait ranger sa chambre (quelle passionnance !). J’avais mis sur le même plan l’état de ma piaule (catastrophique) et les catastrophes (naturelles) qui frappent la pauvre humanité, qu’a décidément pas de chance. Ca me permettait de caser un nouveau mot que j’avais découvert, dans la phrase suivante : « je me suis décidée à la ranger, dans un généreux élan d’altruisme ». Vous avez saisi l’astuce, non ? Chambre pas rangée = catastrophe, donc ranger chambre = réparer catastrophe, venir en aide à l’humanité, tout ça. D’où « altruisme ». Oui d’accord, c’était tiré par les cheveux, mais ça reste quand même compréhensible, non ?

Faut croire que non, l’autre conne elle me barre altruisme d’une grosse croix rouge, et à côté elle me marge « ça ne veut rien dire ». Mais si, connasse, ça voulait dire quelque chose. J’y peux rien si tu comprenais pas mon humour. C’est ce jour là que j’ai fait une grosse croix rouge sur elle, et toute sa profession. Une croix qui voulait dire qu’à partir de là je garderais pour moi toute idée ne cadrant pas avec leurs petites attentes bornées de fonctionnaires étroits du cul, de la bouche, des oreilles et du cerveau. Que je ne donnerai plus que le minimum de mon sang à ces vampires, juste ce qu’il faut pour être laissée tranquille dans mon coin. Le plus bêtement, le plus scolairement possible ; un vrai petit mouton poli qui ne sort jamais du passage piéton.

C’est tellement facile. Deviner ce que veut un prof, c’est pas plus dur que deviner si Navarro va attraper les méchants à la fin de l’épisode. Ca m’a garanti un maximum de bonnes notes avec un minimum d’efforts ; pas de déceptions ; et un bulletin pas loin de la tip-top perfection, ce qui est un excellent passeport pour ne pas se faire emmerder par les rampas (en excluant du système les profs de langues mortes - latin, de langues mortelles - allemand, et les profs de gym, qui sont décidément pas comme les autres, mais même dans ces matières maudites j’ai toujours réussi à sauver les meubles). L’essentiel, c’est de ne jamais finir par croire à toute cette merde. Ca tombe bien, je ne crois même pas ce que je vois.
Mais même comme ça, même en faisant tout ce qu’ils veulent, même en leur baisant les pieds, les profs sont quand même une belle brochette d’enculés qui réussissent toujours à faire chier. A vraiment faire chier vraiment chiément. La preuve ce matin en anglais : la salope me rend une putain d’évaluation de grammaire, et elle m’a enlevé un point, UN POINT, « pour la présentation » ; avec un hochement de tête et un air désolé et elle me dit que vraiment, faudrait que je soigne mon écriture, parce que j’écrirais plutôt mal, genre illisible. Et que sans ça j’aurais eu 20 et pas 19. Je vais te le faire bouffer ton air désolé moi, je suis sûre que t’es pas désolée du tout, c’est juste que tu voulais pas me mettre vingt parce que ça te fait mal à tes fesses de mettre la note maximum. Alors que j’ai tout fait nickel, c’était fucking facile - avec les demeurés qui squattent la classe, faut bien qu’elle adapte le niveau des exos, la vieille peau. Mais moi je le méritais, ce putain de vingt sur vingt, motherfucker de ta dirty race. Voilà, ça y est, ça m’a foutu les nerfs pour la matinée. Et l’autre qui continue à rendre ses copies en faisant des commentaires de merde, comme si de rien n’était...

C’est le moment que choisit mon abruti de voisin bavard pour se pencher vers moi et me dire que, putain, dix-neuf, je suis super forte, parce que lui même en pompant sur moi il a eu un pauvre onze. Je le regarde avec des glaçons ; lui réponds que c’est pas moi qui suis super forte mais lui qui est super nul, comme tous les autres connards de ce lycée de merde. Au lieu de s’énerver, ce qui était le but, il le prend avec philosophie. Son « carrément » me donne envie de lui mettre un ou deux poings dans la gueule, histoire de voir si ça le fera réagir, ça, ce pauvre bouffon sans fierté. Mais à quoi bon. S’il se satisfait de sa merditude, tant mieux pour lui.

Mes yeux bloquent sur la copie. C’est vrai que j’écris pas terriblement bien, que je rature, que je tâchedencre. Je devrais dire que c’est de l’art, peut-être que ça passerait mieux ? Mais madame vous ne comprenez pas que ça vaudra des millions, un jour, ça ? Vous devriez être fière d’avoir été la première à le voir terminé.

mardi 4 janvier 2011

Chat D'Oc, fragment 2005

Au Chat D'Oc, je vois souvent aussi des gens tous seuls qui ont l'air d'attendre quelqu'un, quelqu'un qui vient, parfois, et parfois ne vient jamais ; ils et elles sont là à tourner la tête dès que la porte s'ouvre, à scruter dans tous les coins et recoins comme si un de ces quelqu'uns avait pu apparaître par magie ; ils et elles fument en silence, parfois la tête basse et parfois le regard en quête de quelque chose qu'ils ne semblent que rarement trouver. Un café, ou une bière, et le temps qui passe, de temps à autre je les observe, quelquefois je croise des yeux occupés eux aussi à observer ; et là je comprends qu'en ce moment même, toute seule avec mon choco, je suis comme eux et elles. Alors précipitamment je saute dans un bouquin ou mes cours ou j'attrape de quoi écrire ; juste pour montrer que non, quelle idée, je ne fais pas partie de la confrérie, les apparences sont trompeuses, moi je suis très occupée, moi, si j'ai fui dans la ville à la recherche d'un coin tranquille, moi, c'est que sur mon île à moi y avait trop de débiles. Même si en vrai sur mon île il n'y avait personne, mais tant qu'à se faire chier, autant se faire chier dans un bar qu'à la maison ou à la bibliothèque. Oui d'accord, tout ça n'est pas très convaincant ; faisons comme si tout ceci n'était jamais arrivé, revenons en arrière de quelques lignes, plouf-plouf, tout ça n'a jamais eu lieu. Si tu dis rien, je dis rien, ok ?

lundi 3 janvier 2011

fragment quotidien : sortie du lycée

Cinq heures (dix-sept heures en parisien), fin des cours du lundi, et c'est pas plus mal - c'est même avec une certaine joie, pour ne pas dire une joie certaine, que je laisse le lycée derrière moi. Joie tempérée par la certitude que demain nous serons mardi, qu'il faudra refaire le chemin en sens inverse, et que tout ça n'est pas un mauvais rêve, juste le bon vieux cauchemar quotidien. « Bon vieux », tu parles, quelle expression de merde, les vieux c'est comme les indiens, un bon vieux est un vieux mort - et d'ailleurs il est bien mort, ce putain de bon vieux lycée. L'enfer n'est pas rougenfumé et tout le bordel, il est gris béton et massivement peuplé de cons. Gribéton. Reste sage jusqu'à demain, Berthelot, sale vieux petit lycée pouilleux, je reviendrai à l'heure habituelle, puisqu'on n'a pas le choix on devra encore se supporter un moment.
J'hallucine toujours de voir les connards et asses qui restent à traîner devant la grille, à la fin des cours - autant je comprends qu'on traîne le matin pour retarder le moment fatidique d'entrer dans la caverne de l'ennui, autant l'idée de rester là plus longtemps que nécessaire me paraît relever d'une démence pour laquelle je n'ai pas de clémence. Mais qu'est-ce qu'ils branlent là ? Ils attendent quelqu'un, ou quoi ? A les voir on s'imaginerait presque qu'ils ont des amis ici, hypothèse ridicule. Il paraît que les otages finissent par avoir de la sympathie pour les psychomalades qui les retiennent dans des caves humides ou des forêts tropicales, humides elles aussi mais mieux aérées. Ca doit être un truc comme ça, à force d'être prisonnier du lycée ils finissent par l'aimer. Merde, un lycée, ça s'aime pas, ça se baise... Ou alors, c'est qu'ils n'ont rien de mieux à foutre ; c'est bien possible, et tant pis pour eux, ça en fait plus pour les autres, des choses à foutre.
En tout cas, ne comptez pas sur moi pour me joindre à cette triste bande qui colle là comme du crâmé au fond de la casserole. J'ai à faire à la wamaison, des choses importantes, comme par exemple mater un film ou lire un bon bouquin - non pour ça c'est mort, j'ai plus rien à lire, féièche, j'aurais dû prévoir le coup et aller à la bibliothèque samedi faire des réserves, ou aller m'emmerder sur internet, enfin, des trucs essentiels, tiens je vais aller chercher des trucs sur ce Philip K.Dick dont Crevard m'a parlé, le nom me dit quelque chose, en plus.
La rue Beethoven, telle une annexe du lycée, est remplie de ceux qui comme moi s'enfuient de ce lieu de perdition pour aller se perdre ailleurs, en longues files désordonnées, ceux, dumoins qui n'ont pas déjà bifurqué d'un côté ou de l'autre par la rue Achille Viadieu, à droite vers le grenier à wesh qu'est la cité d' Empalot, à gauche vers le centre ville. Des immeubles sinistres viennent autour, l'un après l'autre : sinistres baraques. Cette rue, c'est comme un sas trop étroit entre l'univers Berthelien (du sous-français « Berthelot », c'est le nom du bahutawam) et la vraie vie, celle qui commence pour de bon quand on croise à angle droit la Grande Rue Saint Michel. Ca c'est une vraie rue, avec des commerces, des gens, des trucs qui se passent, la ville, quoi. C'est là que la masse compacte des connards se désagrège et s'éparpille, certains à droite, certains à gauche, et certains tout droits - je suis de ce clan ultra-minoritaire qui ne fait que croiser Saint-Michel sur quelques mètres, le temps d'un passage piéton, et continue sur la rue Sainte-Catherine. Quand je dis ultra-minoritaire, c'est que je suis même souvent la seule à m'enfoncer dans ce tuyau gris en ligne brisée qui me mène chez moi. Elle est sinistre aussi, cette rue, mais ne porte plus les marques infâmes de la zone scolaire. Le territoire du lycée, c'est comme un pays avec son architecture, son langage, sa culture, ses lois, ses règlements, et ses frontières ; et dès qu'on a passé la limite, même si apparemment rien n'a changé , en fait, si. Et pareil en sens inverse. C'est comme aller en Espagne pour les vacances : même la nourriture a un goût différent, dès qu'on passe la frontière. Une fois, papa avait acheté du surimi au premier supermarché après la douane, en le goûtant j'ai eu l'impression de bouffer du jambon serrano. Saveur crabe. C'est pareil avec la rue Saint Michel : quand on la traverse direction lycée, tout prend un goût de merde. Et dans l'autre sens : les oiseaux se mettent à pioupiouter avec des voix angéliques, l'air à sentir la rose fraîchement coupée ; les gens sourient comme s'il y avait la caméra, le gris est moins gris, le froid moins froid, mon cartable moins lourd, le monde est à moi, le monde est amour.

dimanche 2 janvier 2011

Fragment non daté, Chat D'Oc, 2005 ou 2006

Ce n’est pas nous qui voyageons à travers l’hiver – c’est l’hiver qui voyage à travers nous.

Ces discussions autour de moi, auxquelles je ne pige rien ; comme des courants d’air - chaud ou froid, kimporte – je capte tous les mots mais ça ne fait pas vraiment de sens, mis ensemble. Les regards lourds qu’ils s’échangent en parlant de trucs au-delà de ma sphère. Des histoires – je suppose - de couple, en général, enrobées - je suppose aussi - de pas mal de psychologie de bazar. Et quelquefois des trucs plus mystérieux, des phrases vraiment étranges que je ne raccroche à rien. Ce type qui  disait que maintenant il « a l’impression de sentir l’ammoniaque même quand je fume ma clope ». Appelez Sherlock Homes, hessevépé. Et ces toiles d’araignées de gens qui se connaissent s’aiment  se désaiment se testent se détestent se bectent se débectent se prise-de-bectent ; solidaires, responsables et coupables les uns des autres – comme une langue aux déclinaisons enchevêtrées, ouais, plein de langues enchevêtrées, et comme qui dirait foutrement pas claires. Mais je fais comme si le vent passait sur moi ; pas besoin d’avoir l’air au jus ou pas, personne ne me demande mon avis. Voilà ce que ça fait de se retrouver avec des vieux qui se parlent, un coup dans le nez et le nez dans le verre. « Ce que tu m’as dit l’autre fois, avec Steph, ça m’a fait me recadrer grave, ouais » « parce que tu comprends, les gens, tu leur donne des trucs de ton point de vue, mais qu’est-ce qu’ils en ont à
foutre de ce qui se passe à cinq cent mètres de chez eux ? » »Ouais mais elle tu comprends c’est toujours la fête, tu vois, à l’extérieur c’est toujours la fête » »Parce que tu comprends, ouais, merde, je vais avoir vingt huit ans »
Je crois qu’en sénilisant des petites cellules grises, on se met à parler un langage de plus en plus crypté.

samedi 1 janvier 2011

1er janvier 2006

Ca y est, c’est la nouvelle année. Joie, bonheur, apothéose, yaourt. J’ai écrit 2006 dans le sable à la pointe d’un vieux bâton ; il fait froid, ici, mais je crois que je préfère rester sur la plage que rentrer dans la maison familialement encombrée. Tout le monde est là, sauf Camille. Dommage, c’était la seule que j’avais vraiment envie de voir. Même avec son probable gros ventre. Il paraît qu’il y a des filles dont on ne s’aperçoit pas qu’elles sont encloquées, et qui finissent par mettre bas dans les chiottes d’un macdo. C’est avec ça qu’on fait le mac-bacon.

2006, donc, et en dessous : « Bonne année, mon cul », merci monsieur Desproges.

J’efface les lettres d’une semelle lente. Quelle saloperie, le sable, quand on y pense. Le truc qu’est bon qu’à rentrer dans les godasses, le maillot de bain, la raie du cul, racler les coups de soleil douloureux, se coller salé à la peau. Sans sable et sans soleil, peut-être que je détesterais pas autant la mer. Non, il y a l’odeur, aussi, ça sent la poiscaille et le coquillage crevé. La mer, c’est une infection, quand on y pense, c’est rempli de trucs trop morts qui vont pourrir au fond. Et avant de crever, ça chie. Une baleine, c’est quand même énorme, comme truc, vous imaginez la taille des merdes ? Je veux dire, par rapport à un chien, faites le calcul, c’est édifiant. Et puis quand ça rend son ticket à la grande poissonnerie, vous imaginez la quantité de viandasse ? Qui reste là à pourrir dans les courants ? En plus, sous la flotte, pas d’asticots pour nettoyer. Il y a peut-être un équivalent, des bébés mouches aquatiques ? Too mouche. Mais bon, c’est quand même une fosse commune qui pue la marée. Un jour pas loin d’ici - du côté de Port-Barcarès, je crois, en vacances en tout cas, j’ai vu sur une plage le cadavre d’un truc échoué, un dauphin ou un machin du genre, un marsouin, un truc qui caquette. Feu Flipper. Vu, pas vraiment, en fait, pas précisément en tout cas : je l’ai surtout senti ; cette infection, cette odeur de mort marine débarquée sur la plage. Elle m’est restée des jours dans le nez. Le sable, c’est rien que des petits morceaux de cadavre, les bouts les plus durs, réduits en poudre : les os, les ongles, les becs des pieuvres, les coraux, les perles, les carapaces des tortues les pinces des crabes les coquilles des coquillages morts avant l’âge les yeux en verre des pirates borgnes. La mer, c’est pourri. J’aime que le surimi. Mais de toute façon, c’est à peine du poisson.

Putain ce que je me fais chier. Il y a des journées comme des pages blanches. La différence, c’est qu’on peut échapper au papier, pas au temps qui passe....