Cinq heures (dix-sept heures en parisien), fin des cours du lundi, et c'est pas plus mal - c'est même avec une certaine joie, pour ne pas dire une joie certaine, que je laisse le lycée derrière moi. Joie tempérée par la certitude que demain nous serons mardi, qu'il faudra refaire le chemin en sens inverse, et que tout ça n'est pas un mauvais rêve, juste le bon vieux cauchemar quotidien. « Bon vieux », tu parles, quelle expression de merde, les vieux c'est comme les indiens, un bon vieux est un vieux mort - et d'ailleurs il est bien mort, ce putain de bon vieux lycée. L'enfer n'est pas rougenfumé et tout le bordel, il est gris béton et massivement peuplé de cons. Gribéton. Reste sage jusqu'à demain, Berthelot, sale vieux petit lycée pouilleux, je reviendrai à l'heure habituelle, puisqu'on n'a pas le choix on devra encore se supporter un moment.
J'hallucine toujours de voir les connards et asses qui restent à traîner devant la grille, à la fin des cours - autant je comprends qu'on traîne le matin pour retarder le moment fatidique d'entrer dans la caverne de l'ennui, autant l'idée de rester là plus longtemps que nécessaire me paraît relever d'une démence pour laquelle je n'ai pas de clémence. Mais qu'est-ce qu'ils branlent là ? Ils attendent quelqu'un, ou quoi ? A les voir on s'imaginerait presque qu'ils ont des amis ici, hypothèse ridicule. Il paraît que les otages finissent par avoir de la sympathie pour les psychomalades qui les retiennent dans des caves humides ou des forêts tropicales, humides elles aussi mais mieux aérées. Ca doit être un truc comme ça, à force d'être prisonnier du lycée ils finissent par l'aimer. Merde, un lycée, ça s'aime pas, ça se baise... Ou alors, c'est qu'ils n'ont rien de mieux à foutre ; c'est bien possible, et tant pis pour eux, ça en fait plus pour les autres, des choses à foutre.
En tout cas, ne comptez pas sur moi pour me joindre à cette triste bande qui colle là comme du crâmé au fond de la casserole. J'ai à faire à la wamaison, des choses importantes, comme par exemple mater un film ou lire un bon bouquin - non pour ça c'est mort, j'ai plus rien à lire, féièche, j'aurais dû prévoir le coup et aller à la bibliothèque samedi faire des réserves, ou aller m'emmerder sur internet, enfin, des trucs essentiels, tiens je vais aller chercher des trucs sur ce Philip K.Dick dont Crevard m'a parlé, le nom me dit quelque chose, en plus.
La rue Beethoven, telle une annexe du lycée, est remplie de ceux qui comme moi s'enfuient de ce lieu de perdition pour aller se perdre ailleurs, en longues files désordonnées, ceux, dumoins qui n'ont pas déjà bifurqué d'un côté ou de l'autre par la rue Achille Viadieu, à droite vers le grenier à wesh qu'est la cité d' Empalot, à gauche vers le centre ville. Des immeubles sinistres viennent autour, l'un après l'autre : sinistres baraques. Cette rue, c'est comme un sas trop étroit entre l'univers Berthelien (du sous-français « Berthelot », c'est le nom du bahutawam) et la vraie vie, celle qui commence pour de bon quand on croise à angle droit la Grande Rue Saint Michel. Ca c'est une vraie rue, avec des commerces, des gens, des trucs qui se passent, la ville, quoi. C'est là que la masse compacte des connards se désagrège et s'éparpille, certains à droite, certains à gauche, et certains tout droits - je suis de ce clan ultra-minoritaire qui ne fait que croiser Saint-Michel sur quelques mètres, le temps d'un passage piéton, et continue sur la rue Sainte-Catherine. Quand je dis ultra-minoritaire, c'est que je suis même souvent la seule à m'enfoncer dans ce tuyau gris en ligne brisée qui me mène chez moi. Elle est sinistre aussi, cette rue, mais ne porte plus les marques infâmes de la zone scolaire. Le territoire du lycée, c'est comme un pays avec son architecture, son langage, sa culture, ses lois, ses règlements, et ses frontières ; et dès qu'on a passé la limite, même si apparemment rien n'a changé , en fait, si. Et pareil en sens inverse. C'est comme aller en Espagne pour les vacances : même la nourriture a un goût différent, dès qu'on passe la frontière. Une fois, papa avait acheté du surimi au premier supermarché après la douane, en le goûtant j'ai eu l'impression de bouffer du jambon serrano. Saveur crabe. C'est pareil avec la rue Saint Michel : quand on la traverse direction lycée, tout prend un goût de merde. Et dans l'autre sens : les oiseaux se mettent à pioupiouter avec des voix angéliques, l'air à sentir la rose fraîchement coupée ; les gens sourient comme s'il y avait la caméra, le gris est moins gris, le froid moins froid, mon cartable moins lourd, le monde est à moi, le monde est amour.
J'hallucine toujours de voir les connards et asses qui restent à traîner devant la grille, à la fin des cours - autant je comprends qu'on traîne le matin pour retarder le moment fatidique d'entrer dans la caverne de l'ennui, autant l'idée de rester là plus longtemps que nécessaire me paraît relever d'une démence pour laquelle je n'ai pas de clémence. Mais qu'est-ce qu'ils branlent là ? Ils attendent quelqu'un, ou quoi ? A les voir on s'imaginerait presque qu'ils ont des amis ici, hypothèse ridicule. Il paraît que les otages finissent par avoir de la sympathie pour les psychomalades qui les retiennent dans des caves humides ou des forêts tropicales, humides elles aussi mais mieux aérées. Ca doit être un truc comme ça, à force d'être prisonnier du lycée ils finissent par l'aimer. Merde, un lycée, ça s'aime pas, ça se baise... Ou alors, c'est qu'ils n'ont rien de mieux à foutre ; c'est bien possible, et tant pis pour eux, ça en fait plus pour les autres, des choses à foutre.
En tout cas, ne comptez pas sur moi pour me joindre à cette triste bande qui colle là comme du crâmé au fond de la casserole. J'ai à faire à la wamaison, des choses importantes, comme par exemple mater un film ou lire un bon bouquin - non pour ça c'est mort, j'ai plus rien à lire, féièche, j'aurais dû prévoir le coup et aller à la bibliothèque samedi faire des réserves, ou aller m'emmerder sur internet, enfin, des trucs essentiels, tiens je vais aller chercher des trucs sur ce Philip K.Dick dont Crevard m'a parlé, le nom me dit quelque chose, en plus.
La rue Beethoven, telle une annexe du lycée, est remplie de ceux qui comme moi s'enfuient de ce lieu de perdition pour aller se perdre ailleurs, en longues files désordonnées, ceux, dumoins qui n'ont pas déjà bifurqué d'un côté ou de l'autre par la rue Achille Viadieu, à droite vers le grenier à wesh qu'est la cité d' Empalot, à gauche vers le centre ville. Des immeubles sinistres viennent autour, l'un après l'autre : sinistres baraques. Cette rue, c'est comme un sas trop étroit entre l'univers Berthelien (du sous-français « Berthelot », c'est le nom du bahutawam) et la vraie vie, celle qui commence pour de bon quand on croise à angle droit la Grande Rue Saint Michel. Ca c'est une vraie rue, avec des commerces, des gens, des trucs qui se passent, la ville, quoi. C'est là que la masse compacte des connards se désagrège et s'éparpille, certains à droite, certains à gauche, et certains tout droits - je suis de ce clan ultra-minoritaire qui ne fait que croiser Saint-Michel sur quelques mètres, le temps d'un passage piéton, et continue sur la rue Sainte-Catherine. Quand je dis ultra-minoritaire, c'est que je suis même souvent la seule à m'enfoncer dans ce tuyau gris en ligne brisée qui me mène chez moi. Elle est sinistre aussi, cette rue, mais ne porte plus les marques infâmes de la zone scolaire. Le territoire du lycée, c'est comme un pays avec son architecture, son langage, sa culture, ses lois, ses règlements, et ses frontières ; et dès qu'on a passé la limite, même si apparemment rien n'a changé , en fait, si. Et pareil en sens inverse. C'est comme aller en Espagne pour les vacances : même la nourriture a un goût différent, dès qu'on passe la frontière. Une fois, papa avait acheté du surimi au premier supermarché après la douane, en le goûtant j'ai eu l'impression de bouffer du jambon serrano. Saveur crabe. C'est pareil avec la rue Saint Michel : quand on la traverse direction lycée, tout prend un goût de merde. Et dans l'autre sens : les oiseaux se mettent à pioupiouter avec des voix angéliques, l'air à sentir la rose fraîchement coupée ; les gens sourient comme s'il y avait la caméra, le gris est moins gris, le froid moins froid, mon cartable moins lourd, le monde est à moi, le monde est amour.
C'est marrant , moi quand j'apprécie de loin le long et large bloc de béton ( mon lycée , Eugénie Cotton ) c'est ma clope qui change de goût . Moi : Un col , amidonné en plus . Raide , mais raide ! Je commence à fumer le filtre . Ca pique la gorge .
RépondreSupprimerQuand personne ne regarde dans ma direction je lève mes poings rageurs au ciel .
Une presque-condamnée à mort , à faire chialer ces mecs qui se perdaient dans le premier champ venu pour gueuler ( des bluesmen , principalement ) .
Eugénie Cotton ... mouais .
Chaque lundi matin à 9h : je pense RAVIN , je mesure du bout de la conscience à quel point je jouirais avant de m'éclater dedans .
Mon lycée , je ne l'aime vraiment mais alors VRAIMENT pas ... De là à le baiser , pourquoi pas . Mais pas sans protection .
Par contre quand j'approche de chez moi de toutes façons je me fais caillasser soit la tronche soit le sac à dos . Je me suis appercu que ca dépend de la vitesse à laquelle je fends la bise .
Alors à ce moment là si tu veux , pour le goût de la clope je ne sais pas trop . J'ai pas le temps de la terminer , il faut bien que je la jette dans l'oeil du bougre qui se met en travers de mon chemin .
Est-il utile de préciser que je n'ai pas le temps de vérifier si oui ou non la cible est atteinte .
Presque toujours les mêmes de toutes façons , des vieux cons des classes supèrieures .