mardi 25 janvier 2011

Violaine dans le métro

Une des particularités du métro toulousain, une de ses particularités les plus merdiques, je veux dire, c'est les "oeuvres d'art". J'ai horreur de sardiner dans ces rames bondées de connards poquant le dessous de bras et le parfum de Cologne (Köln, en allemand), mais bon, vivre à Toulouse sans jamais prendre le trom, c'est carrément pas possible. Même avec sa ligne unique qui va du Mirail (banlieu sud-ouest à racailles sensibles) à Balma (banlieu nord-est qu'on sait même pas que ça existe). Et donc pas possible d'échapper aux "oeuvres d'art" de chaque station - notez bien les guillemets. Et particulièrement pas à la plus effrayante, la plus monumentale, la plus absurdement laide de toutes. Vous pourrez la trouver à Esquirol, station très fréquentée, par moi en tout cas. "Ca" vous fait face, juste après les portillons de sortie (si vous arrivez d'en bas) où en descendant les escalators, impossible d'y échapper, je vous dis. Un gigantesque mur blanc, légèrement courbe, à peu près quinze mètres (quinze pas, en tout cas, les gens m’ont regardé zarbi le jour où j’ai mesuré) sur je sais pas en hauteur, je peux pas marcher sur les murs comme les mouches pour compter. A base de rectangles de céramique (blanche elle aussi évidemment, si elle était rouge ça ferait un mur rouge) soigneusement, géométriquement agencés, d'une fadeur absolue ; sur vingt-quatre (j'ai compté) de ces carreaux d'environ dix-centimètres sur cinq (il doit y en avoir plusieurs centaines, et ça j'ai pas compté) est peint une sorte de losange doré, enfin un mélange de losange et d'ovale, le genre de trucs qu'on peint en maternelle quand on ne sait pas trop tenir le pinceau. Ces carreaux déviants ne sont pas placés au hasard, ils rayonnent autour de deux d'entre eux, situés à hauteur d'oeil, l'un à peu près au centre de la partie gauche, l'autre à peu près au centre de la partie droite. Nous voilà arrivé aux clés de l'"oeuvre" : sur le premier, au centre du losange sont tracées ces deux lettres : LE ; et sur l'autre, subtile différence, ME. "LE ME". Le me. Pas "la meuh" (paisible animal qui fait du lait), "le me" (paisible truc qui fait du machin). Mais attention, en jolies lettres classe, un peu comme les panneaux de signalisation. Ca vous donne presque envie de le dire à haute voix, de le savourer, de vous laisser emporter : "le me". "leeeeeeeeee meeeeeeeeee". "le - me". "le : me". "le... me".

Une fois passée la phase hypnotique, et dès que l'oeil espanté a fini de saisir tous les détails de cette incroyable création de l'esprit humain (à savoir, quelques points rouges autour du "le" et du "me", toujours dans un style assez moyen, moyenne section même), il ne lui reste plus qu'à aller lire, subjugué, la plaque métallique qui va avec. S'il veut des précisions complémentaires sur cette grosse merde. C'est ainsi qu'on peut apprendre qu'elle s'intitule "voyage me-le", date de 1993 et qu'un certain François Bouillon en est responsable.

Quand je serai grande, moi aussi je veux être artiste, c'est trop la classe. Comme François Bouillon. Une telle sérénité dans le foutage de gueule, respect, total respect, tototal respect.


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